SURCOUF, UNE FLEUR AU CHAPEAU …
2ème Partie
Préambule
DITES LE, AVEC DES FLEURS …
…………….. , année 1976
Il est 11h15mn, je longe à pied cette belle et longue avenue qui mène à
la place …………….., distante de plus de 2 kms, principal point de vente de la
fleur locale et exotique du Tout-Paris. Comme tous les samedis matins,
aujourd’hui, est jour de fête de la floriculture. C’est, pour ainsi dire, le
rendez-vous attitré de la flore universelle où se joignent et se rejoignent les
grands botanistes, les grandes têtes d’affiche de la fleur française, ainsi que
toutes les variétés de la fleur européenne, australienne et même asiatique
(dahlias, acacias, tulipes, géraniums, chrysanthèmes, œillets, hortensias,
marguerites, orchidées…). J’en fis de ce bel endroit un point de repère pour
pouvoir me retrouver facilement après ma visite de travail dans ce petit monde
en cohue.
Il est midi, moins d’une heure s’est écoulée. J’empruntais à mon retour
et pour mieux me situer, cette longue allée, presque vide, où se côtoient cette
fois peu de monde, toujours dans l’espoir de me retrouver et de revoir ce petit
paradis floréal ………. Je m’arrête, je regarde par ci-par-là, à droite, à gauche.
Je ne me reconnais plus, tellement que tout à changé. Je n’arrive plus à
m’orienter…. Comme sur un coup de sifflet, tout a été plié, chargé, embarqué,
transporté dans des Estafettes. J’ai du mal à croire que tout a changé en
l’espace de moins d’une heure. J’ai encore du mal à admettre que tout ce beau
monde s’est volatilisé en un clin d’œil et en si peu de temps. Pas un brin de
pétale, d’étamine ne viendrait ou ne semblait trahir cet endroit si propre.
Quarante ans après, je me demande toujours si je n’ai pas rêvé. Il n’y a
pas qu’au Japon où l’on voit pareilles scènes. En …………. on y est même habitués
à ce genre de choses et depuis bien longtemps.
a. Une
histoire bien de chez nous ….
Ouf ! nous voici enfin arrivés à Surcouf.
Qu’elle est belle, très belle, cette petite placette de Surcouf. En été,
on est frappés au réveil du petit matin par ce beau soleil typiquement
méditerranéen et ce bel air marin qui vous emporte loin, l’air toujours serein.
En automne, les feuilles encore vertes des arbres de platane se détachent de
leurs tiges et s’envolent au loin. Elles vous dévisagent un instant, vous
caressent au passage le visage et vont s’écraser au sol tout près des rivages
de la plage (de quoi donner des frissons à Anatole France, lui qui redoutait
tant les premiers jours de la rentrée scolaire). Quant à ces beaux palmiers
du bord de cette longue allée, elles vous protègent du soleil, de la brise, du
grand air et du vent. Elles vous font même la bise au printemps. Non loin de
là, ces beaux pruniers agglutinés sur les arbres de Ramel et richement
colorés d’un rouge vif sanguinolent vous font rêver en été. Elles sont prêtes à
y être goûtés. On les appelle les santa rosa.
b. Surcouf,
une vieille et belle histoire ….
En hiver, la nature change de visage. Elle est
douce et charmante et n’arrête pas de vous donner des frissons. Elle arrive
avec ce personnage frileux au manteau blanc qui vous colle la chair de poule.
Il est beau le Surcouf, drapé d’une couche de neige blanchâtre qui vous
couvre la tête et vous dissimule tout le corps. Dans les foyers, on s’empresse
de retirer les bûches de bois empilées sur un bûcher pour en faire un feu de
cheminée et on rentre vite se chauffer.
À l’intérieur du Chalet normand, les gens chaudement emmitouflés,
les pieds allongés tout près de la cheminée murale et la pipe fortement serrée
entre les dents parcourent chacun la lecture d’un roman. Certains préfèrent le
journal du matin qui tarde souvent à arriver de bonne heure. L’Estafette du
vaguemestre met quelquefois du retard à se présenter devant le buraliste du
coin. Au dehors, les gens ne s’aventurent pas trop. Les plus audacieux se
couvrent de vêtements chauds. Sur les rives de mer, les péniches solidement arrimées
résistent à la furie des eaux déchaînées qui tentent vainement de les libérer
de ce dur cordage.
En été, sur cette belle placette, on s’allonge
sur un transat, les jambes nues exposées au hâle du soleil, à l’ombre de cette
borne-fontaine à levier. On est vêtu tout juste d’un short, un bibi royalement
jeté sur la tête. On y lit le roman « À l’ouest rien de nouveau »
et on parle souvent de ce grand paquebot américain, un naufragé de la Seconde
Guerre mondiale, qui gît à une quarantaine de mètres sous les flots. On
hèle Marianne sa femme et on lui demande de retirer le linge qui sèche
depuis la nuit passée. On siffle son chien, un épagneul assis au loin, dans son
petit coin et on l’invite à venir s’asseoir à ses côtés. On lui caresse le poil
de la tête, du dos … il halète et remue la queue. Comme à chaque fois, on le
laisse renifler l’odeur salée du poisson frais.
Charlot Meidier* « arrête de
faire du bruit, on sait bien que tu es le plus fort »…
Dans ce vieux bistro, escale de vieux routiers,
au nom bien orgueilleux « Le Richelieu » de François
Porteilla*, on n’en finit pas de se désaltérer le
gosier, de parler de belles nanas et de ce beau film américain vu la veille
au cinéma. A deux pas d’ici, on vous offre un verre dans ce merveilleux
café-bar nommé « Le Corail » d’Henri Bernard et on
n’arrête pas de vous sourire pour le plaisir et de se marrer à longueur de
journée. Ici, on y parle de vins, de liqueurs, de spiritueux, de bouillabaisse,
de matelote, de daurade, d’espadon, de rouget, fraîchement débarqués des
chaloupes* et bellement arrangés dans des casiers en bois. Et pour
avoir trop bu, on ira se soulager dans cet urinoir qui est tout près. Ensuite,
on actionne la manette de cette borne-fontaine, on se lave la tête et on se mouille les pieds ensablés.
Aujourd’hui, nos fins pêcheurs se sont aventurés loin des rivages, pour y jeter
les filets dans les eaux éloignées et profondes de Surcouf à la
recherche de grosses pièces* qu’ils ont fini par traquer plus loin
que d’habitude. On y parle même de belles prises. Dupepet, Desclaux, René,
Bacha, Bouarab, Marcel Cazeaux, Alamane et tant d’autres se livrent à la
criée du matin. Ils vantent les merveilles d’une bonne pêche.
Ici, sur la placette de Surcouf, on
s’invite presque chaque soir pour faire une partie de pétanque. Robert
Gomila et son fils sont là à l’heure prévue. Ils attendent l’arrivée de Robert
Marqués qui tarde à venir. Pourtant, il n’habite pas loin d’ici.
Tout près de là, on y vante les mérites de la
cuisine de terroir de Surcouf. On y apprécie la bonne chère du couple Orts
et on y déguste à l’ombre de la guinguette de Mireille les délices de la
vie de ce petit paradis nommé « Le Corsaire ».
Chez madame Orts on n’écrase pas sa cigarette
dans le caviar.
Quelquefois, en ces jours de fête, on clos le
week-end par une danse et un air à la Tino
Rossi ou à la Maurice Chevallier. Tôt, le dimanche matin, les femmes,
la tête recouverte d’une mantille se
rendent à l’église de Aïn-Taya pour y remercier Dieu de sa grâce et de
sa bonté.
Ici, on ne fait pas le guet. On aimerait plutôt
offrir un brin de muguet à mettre sur le chapeau de ces dames.
Le restaurant « Les flots bleus »
de Alamane n’arrivera plus à braver la furie des eaux et la colère des
cieux. Il disparaîtra peu à peu. « Les flots bleus » n’aura
été qu’un rêve dans la mémoire des gens de Surcouf.
Ce récit est dédié à cette ex maison de charme
ex propriété de Decailly située à la sortie de Surcouf, en allant vers les
Heuraouas, à qui certaines personnes attribuèrent à tort l’expression de
« villa de guet *». Pour rappel, Decailly dont le nom fut
lourdement écorché au profit de Decca-Plage, disposait également d’une autre
demeure, aujourd’hui reconvertie en un café dont l’actuel propriétaire est un
ex moudjahid nommé ……
e. Les gais
Lurons de Surcouf -AÏN-TAYA-
Comme souvent, les petits lurons iront faire
leurs achats et admirer les merveilles du bazar de mesdames Villalongua
et Ramos, toutes deux, épicières du coin. On y retrouve à l’intérieur
plein de bonnes choses. De grands et petits récipients (tonneaux, tonnes, fûts,
futailles, barriques) à deux fonds, renflés au milieu et reliés de cercles
métalliques, nous rappellent ce bel air de Provence. Elles sont là pour faire
la danse au bal que donnera ce soir le couple Orts sur la placette de Surcouf.
On nous assure que le vin coulera à flots … Elles sont munies d’une
chantepleure qui vous donne l’eau ou plutôt le « vin à la bouche ».
Un robinet qu’on aimerait bien ouvrir, laisser le vin fuir et s’enfuir. On y
voit étalées dans des bacs en bois, des olives noires, vertes, violettes de Saint-Pierre-et-Miquelon,
importées de Terre-neuve, de Casablanca et même des anchois de Séville.
On vous sert même le beurre mou conservé dans des tinettes, qui vous donnent
envie de l’étaler goulûment sur des tranches de pain bien grillées. On y trouve
même des caques où l’on y conserve le hareng, le saumon, la morue … le tout,
baigné dans du saumure. Ici, on y retrouve tout et on vous sert tout.
Tôt le matin, c’est l’odeur du levain chaud de
monsieur Peretto* qui imprègne le Tout-Surcouf de son
extrait odorant qui se fait sentir au loin. C’est aussi le parfum des petits pains
aux chocolats et des brioches sucrées, bombées et toutes dorées qui vous tirent
la langue, qui vous laissent à votre faim et qu’on dérobe*
quelquefois de ce petit bac en osier, dès que monsieur a le dos tourné.
Cette fois, c’est Ponseti le boulanger
qui s’apprête à se rendre à bord de son calèche, aux Heuraouas, à Aïn-Taya
et à Rouïba pour y vendre le pain du matin. Et comme à chaque fois,
ce sont ces petits garnements qui l’attendent au tournant, dissimulés derrière
les buissons, pour lui chaparder et à pas de loup, quelques miches de pain
encore chaudes. Un pain craquelé et tout frais qu’on partage avec de petits
morceaux de fromages ou de longues barres de chocolats bien tendres.
f. Les
petits refuges d’antan, le Corsaire et le Chalet normand
L'ex Hôtel-bar restaurant Le Corsaire
Il fait beau, très beau en ce mois de juin 61 à
Alger et trop chaud à Surcouf*. Le général Raoul
Salan* optera pour la calme et la solitude. Il y séjournera dans
cet Hôtel-Bar-Restaurant, le « Corsaire »*
le temps d’une réflexion qui tarde à venir. Cette fois, on ferme la parenthèse
……….. et pour de vrai.
En 62, Edmond Sergent, fils d’une
vieille famille de pionniers de la première génération et médecin de renom de
la lignée des Pastoriens quitta Surcouf à jamais. On ne le reverra plus.
Il emportera sous le bras et comme seul bagage, sa vieille bibliothèque, laissant
derrière lui une riche et belle mémoire médicale que seule l’histoire retiendra
et nous l’enseignera un jour.
En 63, Jules Roy* vint y
chercher à Surcouf la détente et la sérénité dont il s’inspirera pour
parachever son dernier roman les chevaliers du soleil.
En 64, le couple Iouri Gagarine et Valentina
Terechkova y sera l’hôte de Ben-Bella, qui l’invitera à déjeuner
dans ce merveilleux Hôtel-Bar- Restaurant ex propriété du couple Orts*.
Iouri Gagarine y prendra même un bain sur les rives de plage de Surcouf,
disait-on.
Nous sommes en 65, …… Berliet*
en mission de travail dans les ex automobiles Berliet de Rouïba
passera ses nuits au Chalet normand. Le matin, il y prendra son
petit-déjeuner dans la cour de ce bel établissement. Il y trouvera grand plaisir,
dans l’attente de l’arrivée de son chauffeur, à apprivoiser ce petit monde
animalier où se côtoient cinq pensionnaires d’une petite ménagerie. Un
perroquet, un épervier, un fennec, un paon et une volière de perruches.
Quant aux Gardel, pionniers d’hier, ils
sont là dans la mémoire des Aïn-Tayans depuis bien longtemps. Ils y
poseront pied à terre, face à la mer, dans une villa pieds dans l’eau. C’est,
me dit-on, pour y retrouver l’ivresse d’un temps et la douceur de vivre d’un
instant.
g. Surcouf,
pour un temps année 1964 - 1968
Un contrat ayant pour objet la pose de
pipe-lines au sahara algérien fut signé entre l’Algérie et une
entreprise pétrolière anglaise connue sous le nom de C.J.B.
Cette firme qui porte le nom de son
propriétaire fut chargée de la pose de pipe-lines sur un long tronçon qui
démarre à partir de la base de vie de Haoud el Hamra et prend fin à Arzew.
Les travaux de réalisation et d’acheminement des produits pétroliers furent
entrepris en 64 et achevés en 66.
Notons qu’un premier projet similaire à ce
dernier fut réalisé en 59 par une entreprise française du nom de SO.PE.GE.
Il eut pour point de départ la base de vie de Haoud el Hamra, transite
par M’sila et tire fin à Béjaïa, principal port pétrolier.
h. Sur les
traces du pourquoi pas …
Un personnel composé en grande partie
d’ingénieurs et de techniciens séjournait en compagnie de leurs épouses au Chalet
normand. C’est ici, que se faisait la prise en charge du staff technique
anglais à son arrivée à Aïn-Taya. Et, c’est au Chalet normand que
l’équipe de techniciens nouvellement arrivée d’Angleterre atterrissait
avant son envol pour le Sahara. Un petit monde essentiellement féminin fut
chargé des premières formalités d’usage (accueil, gîte, orientation, télex,
téléphone, crédits, conseils, recommandation …)
La mer est bleue, la mer est calme, la mer est
toute proche. Elle est aussi pure que l’eau de roche. Enfin, le site est
agréable. Il s’y prête bien.
i.
Surcouf ou la joie de vivre …
Surcouf, un
merveilleux coin de détente et de villégiature pour les riverains. Les rares
estivants qui venaient ici pour s’y baigner se comptaient sur le bout des
doigts. Calme et paisible, la petite commune de Surcouf offrait en ces
premières années 60 le visage d’une ville fantôme, presque inhabitée. Hormis,
le peu de gens qui l’habitaient, peu venait lui rendre visite, même pour s’y
rendre à la plage. Pourtant, Surcouf est une ville accueillante, prête à
succomber au charme du premier venu.
« Un petit coin paradisiaque » ne cessait-on de le répéter.
j.
Le parfum Surcouf…
Inondé de soleil, baigné de lumière et imprégné
d’un luxurieux parfum exotique, le Chalet normand offrait les mille et
une facettes d’un petit paradis tropical à la indo-britannique. Un cadre de vie
idéal où se faisait sentir à cette époque le charme d’un merveilleux paradis
oriental qui nous rappelle l’Inde colonial de Gândhî. Fascinés
par le bleu azur du ciel, de la mer et du cadre de vie, les anglais y
appréciaient et à leur manière la douceur de vivre d’un instant et la beauté
pittoresque de tous les temps.
k. La nuit
est à nous …
Le cadre, le calme, la solitude, le parfum
exotique de l’endroit et la mer toute proche ont fait exalter chez ces
messieurs le réveil de la libido. Séduits par la douceur de l’endroit et le
charme du paysage, ces derniers qui n’appartenaient à aucun club naturiste
furent tentés par le nu. Nous sommes en 1964, aborder l’expérience en terre
étrangère n’est pas chose facile. Oui, mais en ce temps là, personne n’y prête
attention. Ces messieurs s’y retrouvaient, accompagnés de leurs épouses ou
concubines, dans la douce fraîcheur du soir, tout près des récifs pour offrir
leurs corps dénudés aux eaux froides et cinglantes de la mer. On raconte,
encore de nos jours, qu’au-delà de 21h00, dans la douce tiédeur du soir, ces
couples qui n’avaient qu’un brin de chemin à parcourir, en ligne droite, s’y
rendaient aux abords de la plage comme pour se débarrasser de la rouille qui
les ronge et les démange et trouver enfin un réconfort à la fièvre du sud qui
les embrase et les écrase.
l.
Noir, c’est noir … il y a
toujours de l’espoir … les
années 1948 - 1950
On dit que les premiers à s’illustrer à ce jeu
insolite furent les français venus d’Alger. Ces jeunes couples préfèrent
s’isoler, loin des regards indiscrets et se retrouver seuls, à quelques kms
plus loin en un lieu nommé Tarfaya*. Ici, dans ce petit coin
tranquille, on s’initie au jeu du ballon qu’il soit en cuir ou en chair. On y
parlera également de marée haute, de marée basse, enfin, des deux … (la marée
haute, c’est ce soutien-gorge qui sera dégrafé et jeté sur le sable. La marée
basse, c’est ce slip qu’on ôtera et qu’on laissera tomber à côté de l’autre.
Quant à la marée basse et haute, c’est cet ensemble, une pièce, à vrai dire,
qui ira elle aussi, rejoindre les deux premiers). Les tabous venaient d’être
bousculés, les us et les coutumes balayés. C’est la première fois que le nu
faisait son apparition sur les plages de Aïn-Taya.
m. Laissons la plage aux...
Bien avant la guerre de Cent Ans et
comme dans toutes les invasions anglaises, les anglais sont toujours là, à
vouloir supplanter et détrôner les français et leur usurper de force, l’appât
acquis. Frustrés, les anglais, ayant appris un peu tard que les français ont réalisé
un score bien avant eux et n’ayant sans doute pas digéré la défaite ont tenu à
exprimer 16 ans après, leur courroux de la manière la plus extravagante
(reprendre le modèle et à leur façon). Ces derniers qui estiment que la partie
s’est jouée sans eux et avant eux et qu’elle n’a pas été achevée acceptent à
leur tour de flirter avec dame nature et de lui offrir pourquoi pas leurs
bonnes grâces.
Un « point d’honneur », battre ainsi
les français sur ce qui fut jadis leur ancienne colonie.
n. Gris, c'est gris ... c'est écrit dans le ciel de ...
C’est disait-on, vers la fin des années 40 ou
au tout début de l’année 50, que ce phénomène s’est manifesté sur les plages de
Aïn-Taya, réputées pour leur calme et la beauté sauvage du littoral. À
cette époque, les mœurs n’étaient guère tendres et l’institution du mariage
était toujours considérée comme sacro-sainte chez les familles conservatrices
et dans les campagnes. Un simple baiser sur les joues s’attirait les foudres.
Que dire d’un baiser sur la bouche, qualifié de libertin, en ce temps là. Quant
à un baiser posé passionnément sur les lèvres, inutile d’en parler. Encore,
fallait-il distinguer, pour le bien de tous, un bisou chaste d’un baiser
licencieux. Une scène immorale, en dehors du mariage est le signe d’une infamie.
L’auteur, généralement, c’est toujours la femme et c’est elle qui est pointée
du doigt et c’est toujours elle qui endosse et qui sera dénoncée au mépris
public. Elle devra quitter le village, pour avoir déshonoré la famille, comme
ce fut le cas pour la mère de ……
o. Surcouf
« aux quatre vents »
Après avoir longtemps offert son dos au soleil,
allongé sur les falaises de Decca-plage, un couple s y est même
aventuré en tenue d’Adam et Eve sur la piste qui mène à la plage
de Aïn-Taya. À son retour chez soi, il s’est même hasardé, en dehors de
la plage et en plein jour, sur un chemin désert, les seins nus et les fesses
branlantes. La femme portait une lisette qui lui couvrait à peine cette large
échancrure charnue. Quant à monsieur, un drap transparent, jeté sur les épaules,
arrivait à peine à cacher le cm2 de chair dandinant. Selon certains,
on parlait de globe-trotters de passage dans la ville, en quête d’un apaisement
moral. Pour d’autres, il s’agit de ces mêmes anglais, locataires du Chalet
normand à la recherche de quelques moments de libertés libertines.
A cette époque, les plages étant peu
fréquentées ou quasi désertes, en raison du peu de monde qui y régnait. Les
gens accrochés à la dureté de la vie ne se souciaient guère de ce mode de vie
indécent qui s’offrait à leurs yeux. « C’est le fantasme du
roumi » ironisaient-ils tout bas.
En ce temps là, le nu (à ne pas confondre avec
le nudisme et l’exhibitionnisme) n’étant pas encore ancré dans les mœurs. Mary
Quant, la styliste britannique venait tout juste de dévoiler ses jambes. La
mini jupe qui n’était pas encore à « l’honneur » venait de faire
timidement ses premiers pas.
p. Surcouf l’irréprochable
Nous sommes en 1963. Le Chalet normand
venait d’être nationalisé. La gestion hôtelière de cet établissement fut
confiée à la CO.GE.HO.RE. C’est ici, en cet endroit que prirent fin les
tribulations d’un ex …………… fervent habitué des lieux. Une prise de bec dont le
narrateur se garde d’évoquer l’origine opposa auparavant ce dernier ex ……………….
à l’ex propriétaire du Chalet normand. On croit savoir que c’est ce
différend qui fut à l’origine de la nationalisation du Chalet normand.
Pour d’autres, il n’en est point. C’est plutôt autre chose.
Vint l’année 1965, ce monsieur ex ……………….. qui
en fit de ce bel endroit un lieu attitré devait donner le jour même une
réception pour « bons et loyaux services » au personnel anglais. Une
date mémorable qui coïncida avec le coup de force de Boumediène. Les
communications téléphoniques avec Alger et l’intérieur du pays furent
interrompues et la cérémonie annulée. ………….. fut éclaboussé peu après dans une
affaire de corruption. On y parlera dans les coulisses de pots-de-vin qu’il
aurait reçus de cette même compagnie anglaise. Une somme exorbitante si l’on en
juge du cours de la monnaie algérienne de l’époque. Craignant qu’il ne soit
arrêté et mis en prison, il quitta l’Algérie pour y trouver refuge en France.
DE LA GÉNÉRATION PERDUE À LA
BEAT GÉNÉRATION …
C’est le nom que l’on donne à
l’ensemble des écrivains américains qui, au lendemain de la Première Guerre
mondiale, ont vécu le déclin de leur tradition intellectuelle et ont cherché
remède à leurs désillusions dans l’Europe des années folles, à travers
le voyage, l’alcool ou le socialisme.
La Beat génération, un
mouvement littéraire et culturel, né au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, qui s’est développé aux États-Unis dans les années 50 à 60 et
qui pour renouer avec les vieilles traditions américaines, confisquées par la
société industrielle, se lança lui aussi dans le voyage, la méditation et la
drogue.
Ses adeptes porteront le nom
de Beatniks et peu après celui de « hippies ».
C’est toute l’expression d’un
nouvel art de vivre qui s’est répandu en Europe vers la fin des années
60 et qui se veut le prolongement de la Génération perdue.
D’autres membres de ce
mouvement, venus des Etats-Unis et de l’Europe, firent le voyage
en Inde afin de s’inspirer des vieilles méthodes de la doctrine
brahmanique largement répandue dans ce pays.
Nous sommes en 64, les Beatles
furent probablement le premier groupe anglais de pop music à s’imprégner de
cette vieille discipline spirituelle et corporelle et ouvrir la voie à une
nouvelle relation psychothérapeutique en Europe.
À la
génération Surcouf
C’est cette ligne de conduite
dite transfert de désir, selon les thérapeutes, que ces messieurs
globe-trotters et locataires du Chalet normand ont bien voulu transposer
dans cette petite localité de Surcouf, après s’être trop longtemps
affiché dans le nu, en cette même année 64/68.
Le slogan « faites
l’amour, pas la guerre » lancé par les « hippies », n’aura
pas été vain. Il aura même triomphé.
En cette même année 68, un
autre mouvement contestataire moins pacifique que les deux premiers, animé par
les étudiants de la Sorbonne paralysera pendant plus de 2 mois la France.
Le narrateur gardera toujours
en mémoire l’image de ces couples de « hippies », pour la plupart
issus de milieux intellectuels et de parents fortunés, faisant de l’auto-stop
sur l’artère des fusillés du 17 mai 1957 ex polignac, au Ruisseau, actuel
El-anasser, face à l’ex Maison Ricard.
CO.GE.HO.RE : Ou
la Coopérative de Gestion des Hôtels
et Restaurants. Elle y laissera place beaucoup plus tard à
l’entreprise ALTOUR ou l’Algérienne
du Tourisme ensuite à la SO.NA.TOUR ou
la Société Nationale de Tourisme.
Charlot Meidier : Forgeron de
vocation et amateur de pêche sous-marine à ses heures perdues, ce monsieur au
corps athlétique et à la main agile dont l’atelier se trouvait derrière la
demeure des Villalongua quitta Surcouf au
tout début de l’année 52 abandonnant, sa femme et ses deux enfants, un garçon
et une fille, à leur triste sort. Il s’envolera pour Agadir en
compagnie de sa maîtresse, la femme d’Antoine, l’ex
gérant des autocars Perez laissant,
elle aussi, derrière elle la garde de ses deux enfants à son ex mari. Cette
dame fut, en ce temps là, une femme d’une grande beauté qui aurait, dit-on, pu
remporter facilement le concours de miss beauté du Grand Alger et
même de certaines régions de France si elle
s’était présentée. On continue à ce jour à parler de cette dame dont le visage
est beau, si beau, qu’il donnait à chaque fois l’illusion d’être giclé d’une
gerbe de fraises. Pour d’autres, c’est comme l’éclat rouge vif framboise d’un
coup de pinceau qui lui aurait été lancé en plein visage et sur tout le corps
par un artiste peintre libertin. Perez aurait
été sans doute le premier à être servi n’était-ce cette incapacité qui le
rendait inapte à ce genre d’exercice. Charlot Meidier vendit
à l’insu de sa femme sa maison peu avant de quitter Surcouf et
de regagner le Maroc avec
sa dulcinée. Sa veuve n’ayant rien appris de cette folle machination se
retrouva seule dans la rue avec deux enfants dans les bras et sans aucune
ressources. Marcel
Cazeaux, en bon citoyen, se chargera de la recueillir et lui offrir
gîte et couvert en attendant des jours meilleurs. Un bel élan de générosité qui
nous renseigne sur l’esprit de solidarité qui régnait chez les gens là et en ce
temps là.
Porteilla : C’est dans ce
merveilleux café-bar Le Richelieu que les chauffeurs de bus en
partance vers Alger firent halte avant d’aborder le parcours
en direction du centre ville de Aïn-Taya. Et c’est ici que les
receveurs déposèrent en toute confiance leurs sacoches bourrées de frics au
milieu de grands éclats de rires.
Chaloupes : De vieilles
embarcations qui firent merveilles en leur temps. On parlera de barques de
pêche, dites sardiniers et de chalutier……
PiÈces : Outre,
la belle sardine, on y pêche dans les eaux poissonneuses de Surcouf,
de la daurade, de l’espadon, de rouget, de langouste, de mérou, de rascasse, de
raie, de cigale, de marbré, de brochet, de maquereau, de thon, de chien de mer,
de lambriné, de loup de mer ou bar, de morue, de bonite, de saourelle et j’en
passe …
Guet : N’oublions pas cette
riche exploitation d’orangeraie dite chapeau du gendarme qui
eut pour P.D.G Mr Munck et dont le siège se
trouvait au … rue Arago à Alger.
Peretto : Mr Peretto quittera Surcouf et
cédera sa boulangerie à la famille Llorett, au tout début de
l’année 55.
DÉrobe : On y
chipera juste une petite quantité de pains ou de brioches afin de ne pas
laisser de trace et d’éviter que ne soit attirée l’attention de ces boulangers
et pour y permettre de refaire le coup, une autre fois.
Surcouf : Un petit coin qui me rappelle
énormément Honfleur, cette belle et charmante commune portuaire que
j’ai connue en 1977.
Raoul Salan : C’était durant le tristement
célèbre putsch des généraux et Robert Marqués et
là, comme toujours, pour lui tenir la chandelle, comme on dit
dans le jargon familier arabe.
Corsaire : On ne passe pas par Surcouf sans
rendre visite à Mireille et André Orts et
leur ex et merveilleux Hôtel-Bar-Restaurant.
Jules Roy : C’était en 1963, à l’intérieur
de l’ex villa d’Armand Anglade.
Orts : On imagine la réaction cachée ou plutôt
l’émotion dissimulée en sourire que ressentaient le couple Orts et
les rares colons encore en place face à la présence des communistes. Nous y
reviendrons dans un long article qui sera consacré à cette visite.
Berliet : il s’agit d’un membre influent de la saga
des Berliet. Les ex automobiles Berliet dont le
siège se trouvait Carrefour Maurétania à proximité de l’ex
agence d’Air France, n’étant pas encore nationalisées.
Tarfaya : C’est
le nom donné à une variété d’arbrisseau à très petites feuilles et à grappes de
fleurs roses que l’on retrouve dans le Midi de la France et
qui pousse également près du littoral. C’est aussi le synonyme en arabe
de Tamaris donné à cet Hôtel-Bar-Restaurant de Aïn-Taya,
édifié en 1927, œuvre de l’architecte Lozza, qui fut l’ex propriété
des Carreras et qui doit son nom à ce petit arbre qui fut
planté ici, bien avant la fondation de cet établissement.
Globe-Trotters :
Beatniks, « hippies », contestataires de mai 68, marginaux … furent
nombreux à se rendre au sahara algérien, en ces années fin 60. Un mouvement
social et littéraire qui s’est démarqué de la ligne de conduite de l’Amérique,
de l’Europe et de l’ensemble de la société industrielle moderne.
Ses adeptes chercheront remède à leur désarroi, dans la méditation, l’amour, la
solitude, la nature, l’inspiration … ils entreprendront une longue traversée du
désert qui les mènera en Afrique et en Asie. Un
nouveau modèle de la Génération perdue qui réapparaît, un
demi-siècle après, sous une nouvelle forme et avec un nouveau souffle. De 68 à
nos jours, soit 50 ans après, un mouvement féodal qui est loin de ressembler
aux deux premiers, s’est développé dans certains pays arabes et même en Europe et
aux Etats-Unis, sous un nouveau visage inhumain, c’est celui
de Daech.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire