mardi 27 août 2019

LES DOSSIERS DE L’HISTOIRE II


SURCOUF, UNE FLEUR AU CHAPEAU …                                                         2ème Partie
Préambule
DITES LE, AVEC DES FLEURS …
…………….. , année 1976
Il est 11h15mn, je longe à pied cette belle et longue avenue qui mène à la place …………….., distante de plus de 2 kms, principal point de vente de la fleur locale et exotique du Tout-Paris. Comme tous les samedis matins, aujourd’hui, est jour de fête de la floriculture. C’est, pour ainsi dire, le rendez-vous attitré de la flore universelle où se joignent et se rejoignent les grands botanistes, les grandes têtes d’affiche de la fleur française, ainsi que toutes les variétés de la fleur européenne, australienne et même asiatique (dahlias, acacias, tulipes, géraniums, chrysanthèmes, œillets, hortensias, marguerites, orchidées…). J’en fis de ce bel endroit un point de repère pour pouvoir me retrouver facilement après ma visite de travail dans ce petit monde en cohue.
Il est midi, moins d’une heure s’est écoulée. J’empruntais à mon retour et pour mieux me situer, cette longue allée, presque vide, où se côtoient cette fois peu de monde, toujours dans l’espoir de me retrouver et de revoir ce petit paradis floréal ………. Je m’arrête, je regarde par ci-par-là, à droite, à gauche. Je ne me reconnais plus, tellement que tout à changé. Je n’arrive plus à m’orienter…. Comme sur un coup de sifflet, tout a été plié, chargé, embarqué, transporté dans des Estafettes. J’ai du mal à croire que tout a changé en l’espace de moins d’une heure. J’ai encore du mal à admettre que tout ce beau monde s’est volatilisé en un clin d’œil et en si peu de temps. Pas un brin de pétale, d’étamine ne viendrait ou ne semblait trahir cet endroit si propre.
Quarante ans après, je me demande toujours si je n’ai pas rêvé. Il n’y a pas qu’au Japon où l’on voit pareilles scènes. En …………. on y est même habitués à ce genre de choses et depuis bien longtemps.

SURCOUF, AH ! LE BON VIEUX TEMPS –I-                                                 -AÏN-TAYA-

a.      Une histoire bien de chez nous ….
Ouf ! nous voici enfin arrivés à Surcouf. Qu’elle est belle, très belle, cette petite placette de Surcouf. En été, on est frappés au réveil du petit matin par ce beau soleil typiquement méditerranéen et ce bel air marin qui vous emporte loin, l’air toujours serein. En automne, les feuilles encore vertes des arbres de platane se détachent de leurs tiges et s’envolent au loin. Elles vous dévisagent un instant, vous caressent au passage le visage et vont s’écraser au sol tout près des rivages de la plage (de quoi donner des frissons à Anatole France, lui qui redoutait tant les premiers jours de la rentrée scolaire). Quant à ces beaux palmiers du bord de cette longue allée, elles vous protègent du soleil, de la brise, du grand air et du vent. Elles vous font même la bise au printemps. Non loin de là, ces beaux pruniers agglutinés sur les arbres de Ramel et richement colorés d’un rouge vif sanguinolent vous font rêver en été. Elles sont prêtes à y être goûtés. On les appelle les santa rosa.
b.      Surcouf, une vieille et belle histoire ….
En hiver, la nature change de visage. Elle est douce et charmante et n’arrête pas de vous donner des frissons. Elle arrive avec ce personnage frileux au manteau blanc qui vous colle la chair de poule. Il est beau le Surcouf, drapé d’une couche de neige blanchâtre qui vous couvre la tête et vous dissimule tout le corps. Dans les foyers, on s’empresse de retirer les bûches de bois empilées sur un bûcher pour en faire un feu de cheminée et on rentre vite se chauffer.      À l’intérieur du Chalet normand, les gens chaudement emmitouflés, les pieds allongés tout près de la cheminée murale et la pipe fortement serrée entre les dents parcourent chacun la lecture d’un roman. Certains préfèrent le journal du matin qui tarde souvent à arriver de bonne heure. L’Estafette du vaguemestre met quelquefois du retard à se présenter devant le buraliste du coin. Au dehors, les gens ne s’aventurent pas trop. Les plus audacieux se couvrent de vêtements chauds. Sur les rives de mer, les péniches solidement arrimées résistent à la furie des eaux déchaînées qui tentent vainement de les libérer de ce dur cordage.

c.       Surcouf, l’enchanteresse ….
En été, sur cette belle placette, on s’allonge sur un transat, les jambes nues exposées au hâle du soleil, à l’ombre de cette borne-fontaine à levier. On est vêtu tout juste d’un short, un bibi royalement jeté sur la tête. On y lit le roman «  À l’ouest rien de nouveau » et on parle souvent de ce grand paquebot américain, un naufragé de la Seconde Guerre mondiale, qui gît à une quarantaine de mètres sous les flots. On hèle Marianne sa femme et on lui demande de retirer le linge qui sèche depuis la nuit passée. On siffle son chien, un épagneul assis au loin, dans son petit coin et on l’invite à venir s’asseoir à ses côtés. On lui caresse le poil de la tête, du dos … il halète et remue la queue. Comme à chaque fois, on le laisse renifler l’odeur salée du poisson frais.
Charlot Meidier* « arrête de faire du bruit, on sait bien que tu es le plus fort »…
Dans ce vieux bistro, escale de vieux routiers, au nom bien orgueilleux « Le Richelieu » de François Porteilla*, on n’en finit pas de se désaltérer le gosier, de parler de belles nanas et de ce beau film américain vu la veille au cinéma. A deux pas d’ici, on vous offre un verre dans ce merveilleux café-bar nommé « Le Corail » d’Henri Bernard et on n’arrête pas de vous sourire pour le plaisir et de se marrer à longueur de journée. Ici, on y parle de vins, de liqueurs, de spiritueux, de bouillabaisse, de matelote, de daurade, d’espadon, de rouget, fraîchement débarqués des chaloupes* et bellement arrangés dans des casiers en bois. Et pour avoir trop bu, on ira se soulager dans cet urinoir qui est tout près. Ensuite, on actionne la manette de cette borne-fontaine, on se lave la tête  et on se mouille les pieds ensablés. Aujourd’hui, nos fins pêcheurs se sont aventurés loin des rivages, pour y jeter les filets dans les eaux éloignées et profondes de Surcouf à la recherche de grosses pièces* qu’ils ont fini par traquer plus loin que d’habitude. On y parle même de belles prises. Dupepet, Desclaux, René, Bacha, Bouarab, Marcel Cazeaux, Alamane et tant d’autres se livrent à la criée du matin. Ils vantent les merveilles d’une bonne pêche.
d.      Surcouf, le petit paradis….
Ici, sur la placette de Surcouf, on s’invite presque chaque soir pour faire une partie de pétanque. Robert Gomila et son fils sont là à l’heure prévue. Ils attendent l’arrivée de Robert Marqués qui tarde à venir. Pourtant, il n’habite pas loin d’ici.
Tout près de là, on y vante les mérites de la cuisine de terroir de Surcouf. On y apprécie la bonne chère du couple Orts et on y déguste à l’ombre de la guinguette de Mireille les délices de la vie de ce petit paradis nommé « Le Corsaire ».
Chez madame Orts on n’écrase pas sa cigarette dans le caviar.
Quelquefois, en ces jours de fête, on clos le week-end  par une danse et un air à la Tino Rossi ou à la Maurice Chevallier. Tôt, le dimanche matin, les femmes, la tête recouverte d’une mantille  se rendent à l’église de Aïn-Taya pour y remercier Dieu de sa grâce et de sa bonté.
Ici, on ne fait pas le guet. On aimerait plutôt offrir un brin de muguet à mettre sur le chapeau de ces dames.
Le restaurant « Les flots bleus » de Alamane n’arrivera plus à braver la furie des eaux et la colère des cieux. Il disparaîtra peu à peu. « Les flots bleus » n’aura été qu’un rêve dans la mémoire des gens de Surcouf.

Ce récit est dédié à cette ex maison de charme ex propriété de Decailly située à la sortie de Surcouf, en allant vers les Heuraouas, à qui certaines personnes attribuèrent à tort l’expression de « villa de guet *». Pour rappel, Decailly dont le nom fut lourdement écorché au profit de Decca-Plage, disposait également d’une autre demeure, aujourd’hui reconvertie en un café dont l’actuel propriétaire est un ex moudjahid nommé ……


e.       Les gais Lurons de Surcouf                                                      -AÏN-TAYA-
Comme souvent, les petits lurons iront faire leurs achats et admirer les merveilles du bazar de mesdames Villalongua et Ramos, toutes deux, épicières du coin. On y retrouve à l’intérieur plein de bonnes choses. De grands et petits récipients (tonneaux, tonnes, fûts, futailles, barriques) à deux fonds, renflés au milieu et reliés de cercles métalliques, nous rappellent ce bel air de Provence. Elles sont là pour faire la danse au bal que donnera ce soir le couple Orts sur la placette de Surcouf. On nous assure que le vin coulera à flots … Elles sont munies d’une chantepleure qui vous donne l’eau ou plutôt le « vin à la bouche ». Un robinet qu’on aimerait bien ouvrir, laisser le vin fuir et s’enfuir. On y voit étalées dans des bacs en bois, des olives noires, vertes, violettes de Saint-Pierre-et-Miquelon, importées de Terre-neuve, de Casablanca et même des anchois de Séville. On vous sert même le beurre mou conservé dans des tinettes, qui vous donnent envie de l’étaler goulûment sur des tranches de pain bien grillées. On y trouve même des caques où l’on y conserve le hareng, le saumon, la morue … le tout, baigné dans du saumure. Ici, on y retrouve tout et on vous sert tout.
Tôt le matin, c’est l’odeur du levain chaud de monsieur Peretto* qui imprègne le Tout-Surcouf de son extrait odorant qui se fait sentir au loin. C’est aussi le parfum des petits pains aux chocolats et des brioches sucrées, bombées et toutes dorées qui vous tirent la langue, qui vous laissent à votre faim et qu’on dérobe* quelquefois de ce petit bac en osier, dès que monsieur a le dos tourné.
Cette fois, c’est Ponseti le boulanger qui s’apprête à se rendre à bord de son calèche, aux Heuraouas, à Aïn-Taya et à Rouïba pour y vendre le pain du matin. Et comme à chaque fois, ce sont ces petits garnements qui l’attendent au tournant, dissimulés derrière les buissons, pour lui chaparder et à pas de loup, quelques miches de pain encore chaudes. Un pain craquelé et tout frais qu’on partage avec de petits morceaux de fromages ou de longues barres de chocolats bien tendres.

f.       Les petits refuges d’antan, le Corsaire et le Chalet normand

L'ex Hôtel-bar restaurant Le Corsaire
Il fait beau, très beau en ce mois de juin 61 à Alger et trop chaud à Surcouf*. Le général Raoul Salan* optera pour la calme et la solitude. Il y séjournera dans cet Hôtel-Bar-Restaurant, le « Corsaire »* le temps d’une réflexion qui tarde à venir. Cette fois, on ferme la parenthèse ……….. et pour de vrai.
En 62, Edmond Sergent, fils d’une vieille famille de pionniers de la première génération et médecin de renom de la lignée des Pastoriens quitta Surcouf à jamais. On ne le reverra plus. Il emportera sous le bras et comme seul bagage, sa vieille bibliothèque, laissant derrière lui une riche et belle mémoire médicale que seule l’histoire retiendra et nous l’enseignera un jour.
En 63, Jules Roy* vint y chercher à Surcouf la détente et la sérénité dont il s’inspirera pour parachever son dernier roman les chevaliers du soleil.
En 64, le couple Iouri Gagarine et Valentina Terechkova y sera l’hôte de Ben-Bella, qui l’invitera à déjeuner dans ce merveilleux Hôtel-Bar- Restaurant ex propriété du couple Orts*. Iouri Gagarine y prendra même un bain sur les rives de plage de Surcouf, disait-on.
Nous sommes en 65, …… Berliet* en mission de travail dans les ex automobiles Berliet de Rouïba passera ses nuits au Chalet normand. Le matin, il y prendra son petit-déjeuner dans la cour de ce bel établissement. Il y trouvera grand plaisir, dans l’attente de l’arrivée de son chauffeur, à apprivoiser ce petit monde animalier où se côtoient cinq pensionnaires d’une petite ménagerie. Un perroquet, un épervier, un fennec, un paon et une volière de perruches.
Quant aux Gardel, pionniers d’hier, ils sont là dans la mémoire des Aïn-Tayans depuis bien longtemps. Ils y poseront pied à terre, face à la mer, dans une villa pieds dans l’eau. C’est, me dit-on, pour y retrouver l’ivresse d’un temps et la douceur de vivre d’un instant.


g.      Surcouf, pour un temps                                                                            année 1964 - 1968
Un contrat ayant pour objet la pose de pipe-lines au sahara algérien fut signé entre l’Algérie et une entreprise pétrolière anglaise connue sous le nom de C.J.B.
Cette firme qui porte le nom de son propriétaire fut chargée de la pose de pipe-lines sur un long tronçon qui démarre à partir de la base de vie de Haoud el Hamra et prend fin à Arzew. Les travaux de réalisation et d’acheminement des produits pétroliers furent entrepris en 64 et achevés en 66.
Notons qu’un premier projet similaire à ce dernier fut réalisé en 59 par une entreprise française du nom de SO.PE.GE. Il eut pour point de départ la base de vie de Haoud el Hamra, transite par M’sila et tire fin à Béjaïa, principal port pétrolier.

h.      Sur les traces du pourquoi pas …
Un personnel composé en grande partie d’ingénieurs et de techniciens séjournait en compagnie de leurs épouses au Chalet normand. C’est ici, que se faisait la prise en charge du staff technique anglais à son arrivée à Aïn-Taya. Et, c’est au Chalet normand que l’équipe de techniciens nouvellement arrivée d’Angleterre atterrissait avant son envol pour le Sahara. Un petit monde essentiellement féminin fut chargé des premières formalités d’usage (accueil, gîte, orientation, télex, téléphone, crédits, conseils, recommandation …)
La mer est bleue, la mer est calme, la mer est toute proche. Elle est aussi pure que l’eau de roche. Enfin, le site est agréable. Il s’y prête bien.


i.        Surcouf ou la joie de vivre …
Surcouf, un merveilleux coin de détente et de villégiature pour les riverains. Les rares estivants qui venaient ici pour s’y baigner se comptaient sur le bout des doigts. Calme et paisible, la petite commune de Surcouf offrait en ces premières années 60 le visage d’une ville fantôme, presque inhabitée. Hormis, le peu de gens qui l’habitaient, peu venait lui rendre visite, même pour s’y rendre à la plage. Pourtant, Surcouf est une ville accueillante, prête à succomber au charme du premier venu.
« Un petit coin paradisiaque » ne cessait-on de le répéter.


j.        Le parfum Surcouf…
Inondé de soleil, baigné de lumière et imprégné d’un luxurieux parfum exotique, le Chalet normand offrait les mille et une facettes d’un petit paradis tropical à la indo-britannique. Un cadre de vie idéal où se faisait sentir à cette époque le charme d’un merveilleux paradis oriental qui nous rappelle l’Inde colonial de Gândhî. Fascinés par le bleu azur du ciel, de la mer et du cadre de vie, les anglais y appréciaient et à leur manière la douceur de vivre d’un instant et la beauté pittoresque de tous les temps.

k.      La nuit est à nous …
Le cadre, le calme, la solitude, le parfum exotique de l’endroit et la mer toute proche ont fait exalter chez ces messieurs le réveil de la libido. Séduits par la douceur de l’endroit et le charme du paysage, ces derniers qui n’appartenaient à aucun club naturiste furent tentés par le nu. Nous sommes en 1964, aborder l’expérience en terre étrangère n’est pas chose facile. Oui, mais en ce temps là, personne n’y prête attention. Ces messieurs s’y retrouvaient, accompagnés de leurs épouses ou concubines, dans la douce fraîcheur du soir, tout près des récifs pour offrir leurs corps dénudés aux eaux froides et cinglantes de la mer. On raconte, encore de nos jours, qu’au-delà de 21h00, dans la douce tiédeur du soir, ces couples qui n’avaient qu’un brin de chemin à parcourir, en ligne droite, s’y rendaient aux abords de la plage comme pour se débarrasser de la rouille qui les ronge et les démange et trouver enfin un réconfort à la fièvre du sud qui les embrase et les écrase.

l.        Noir, c’est noir … il y a toujours de l’espoir …                        les années 1948 - 1950
On dit que les premiers à s’illustrer à ce jeu insolite furent les français venus d’Alger. Ces jeunes couples préfèrent s’isoler, loin des regards indiscrets et se retrouver seuls, à quelques kms plus loin en un lieu nommé Tarfaya*. Ici, dans ce petit coin tranquille, on s’initie au jeu du ballon qu’il soit en cuir ou en chair. On y parlera également de marée haute, de marée basse, enfin, des deux … (la marée haute, c’est ce soutien-gorge qui sera dégrafé et jeté sur le sable. La marée basse, c’est ce slip qu’on ôtera et qu’on laissera tomber à côté de l’autre. Quant à la marée basse et haute, c’est cet ensemble, une pièce, à vrai dire, qui ira elle aussi, rejoindre les deux premiers). Les tabous venaient d’être bousculés, les us et les coutumes balayés. C’est la première fois que le nu faisait son apparition sur les plages de Aïn-Taya.

m.    Laissons la plage aux...
Bien avant la guerre de Cent Ans et comme dans toutes les invasions anglaises, les anglais sont toujours là, à vouloir supplanter et détrôner les français et leur usurper de force, l’appât acquis. Frustrés, les anglais, ayant appris un peu tard que les français ont réalisé un score bien avant eux et n’ayant sans doute pas digéré la défaite ont tenu à exprimer 16 ans après, leur courroux de la manière la plus extravagante (reprendre le modèle et à leur façon). Ces derniers qui estiment que la partie s’est jouée sans eux et avant eux et qu’elle n’a pas été achevée acceptent à leur tour de flirter avec dame nature et de lui offrir pourquoi pas leurs bonnes grâces.
Un « point d’honneur », battre ainsi les français sur ce qui fut jadis leur ancienne colonie.


n.  Gris, c'est gris ... c'est écrit dans le ciel de ...
C’est disait-on, vers la fin des années 40 ou au tout début de l’année 50, que ce phénomène s’est manifesté sur les plages de Aïn-Taya, réputées pour leur calme et la beauté sauvage du littoral. À cette époque, les mœurs n’étaient guère tendres et l’institution du mariage était toujours considérée comme sacro-sainte chez les familles conservatrices et dans les campagnes. Un simple baiser sur les joues s’attirait les foudres. Que dire d’un baiser sur la bouche, qualifié de libertin, en ce temps là. Quant à un baiser posé passionnément sur les lèvres, inutile d’en parler. Encore, fallait-il distinguer, pour le bien de tous, un bisou chaste d’un baiser licencieux. Une scène immorale, en dehors du mariage est le signe d’une infamie. L’auteur, généralement, c’est toujours la femme et c’est elle qui est pointée du doigt et c’est toujours elle qui endosse et qui sera dénoncée au mépris public. Elle devra quitter le village, pour avoir déshonoré la famille, comme ce fut le cas pour la mère de ……


o.      Surcouf « aux quatre vents »
Après avoir longtemps offert son dos au soleil, allongé sur les falaises de Decca-plage, un couple s y est même aventuré en tenue d’Adam et Eve sur la piste qui mène à la plage de Aïn-Taya. À son retour chez soi, il s’est même hasardé, en dehors de la plage et en plein jour, sur un chemin désert, les seins nus et les fesses branlantes. La femme portait une lisette qui lui couvrait à peine cette large échancrure charnue. Quant à monsieur, un drap transparent, jeté sur les épaules, arrivait à peine à cacher le cm2 de chair dandinant. Selon certains, on parlait de globe-trotters de passage dans la ville, en quête d’un apaisement moral. Pour d’autres, il s’agit de ces mêmes anglais, locataires du Chalet normand à la recherche de quelques moments de libertés libertines.
A cette époque, les plages étant peu fréquentées ou quasi désertes, en raison du peu de monde qui y régnait. Les gens accrochés à la dureté de la vie ne se souciaient guère de ce mode de vie indécent qui s’offrait à leurs yeux. « C’est le fantasme du roumi » ironisaient-ils tout bas.
En ce temps là, le nu (à ne pas confondre avec le nudisme et l’exhibitionnisme) n’étant pas encore ancré dans les mœurs. Mary Quant, la styliste britannique venait tout juste de dévoiler ses jambes. La mini jupe qui n’était pas encore à « l’honneur » venait de faire timidement ses premiers pas.

p.      Surcouf l’irréprochable
Nous sommes en 1963. Le Chalet normand venait d’être nationalisé. La gestion hôtelière de cet établissement fut confiée à la CO.GE.HO.RE. C’est ici, en cet endroit que prirent fin les tribulations d’un ex …………… fervent habitué des lieux. Une prise de bec dont le narrateur se garde d’évoquer l’origine opposa auparavant ce dernier ex ………………. à l’ex propriétaire du Chalet normand. On croit savoir que c’est ce différend qui fut à l’origine de la nationalisation du Chalet normand. Pour d’autres, il n’en est point. C’est plutôt autre chose.
Vint l’année 1965, ce monsieur ex ……………….. qui en fit de ce bel endroit un lieu attitré devait donner le jour même une réception pour « bons et loyaux services » au personnel anglais. Une date mémorable qui coïncida avec le coup de force de Boumediène. Les communications téléphoniques avec Alger et l’intérieur du pays furent interrompues et la cérémonie annulée.  ………….. fut éclaboussé peu après dans une affaire de corruption. On y parlera dans les coulisses de pots-de-vin qu’il aurait reçus de cette même compagnie anglaise. Une somme exorbitante si l’on en juge du cours de la monnaie algérienne de l’époque. Craignant qu’il ne soit arrêté et mis en prison, il quitta l’Algérie pour y trouver refuge en France.

DE LA GÉNÉRATION PERDUE À LA BEAT GÉNÉRATION …
C’est le nom que l’on donne à l’ensemble des écrivains américains qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, ont vécu le déclin de leur tradition intellectuelle et ont cherché remède à leurs désillusions dans l’Europe des années folles, à travers le voyage, l’alcool ou le socialisme.
La Beat génération, un mouvement littéraire et culturel, né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui s’est développé aux États-Unis dans les années 50 à 60 et qui pour renouer avec les vieilles traditions américaines, confisquées par la société industrielle, se lança lui aussi dans le voyage, la méditation et la drogue.
Ses adeptes porteront le nom de Beatniks et peu après celui de « hippies ».
C’est toute l’expression d’un nouvel art de vivre qui s’est répandu en Europe vers la fin des années 60 et qui se veut le prolongement de la Génération perdue.
D’autres membres de ce mouvement, venus des Etats-Unis et de l’Europe, firent le voyage en Inde afin de s’inspirer des vieilles méthodes de la doctrine brahmanique largement répandue dans ce pays.
Nous sommes en 64, les Beatles furent probablement le premier groupe anglais de pop music à s’imprégner de cette vieille discipline spirituelle et corporelle et ouvrir la voie à une nouvelle relation psychothérapeutique en Europe.

À la génération Surcouf
C’est cette ligne de conduite dite transfert de désir, selon les thérapeutes, que ces messieurs globe-trotters et locataires du Chalet normand ont bien voulu transposer dans cette petite localité de Surcouf, après s’être trop longtemps affiché dans le nu, en cette même année 64/68.
Le slogan « faites l’amour, pas la guerre » lancé par les « hippies », n’aura pas été vain. Il aura même triomphé.
En cette même année 68, un autre mouvement contestataire moins pacifique que les deux premiers, animé par les étudiants de la Sorbonne paralysera pendant plus de 2 mois la France.

Le narrateur gardera toujours en mémoire l’image de ces couples de « hippies », pour la plupart issus de milieux intellectuels et de parents fortunés, faisant de l’auto-stop sur l’artère des fusillés du 17 mai 1957 ex polignac, au Ruisseau, actuel El-anasser, face à l’ex Maison Ricard.



Charlot Meidier : Forgeron de vocation et amateur de pêche sous-marine à ses heures perdues, ce monsieur au corps athlétique et à la main agile dont l’atelier se trouvait derrière la demeure des Villalongua quitta Surcouf au tout début de l’année 52 abandonnant, sa femme et ses deux enfants, un garçon et une fille, à leur triste sort. Il s’envolera pour Agadir en compagnie de sa maîtresse, la femme d’Antoine, l’ex gérant des autocars Perez laissant, elle aussi, derrière elle la garde de ses deux enfants à son ex mari. Cette dame fut, en ce temps là, une femme d’une grande beauté qui aurait, dit-on, pu remporter facilement le concours de miss beauté du Grand Alger et même de certaines régions de France si elle s’était présentée. On continue à ce jour à parler de cette dame dont le visage est beau, si beau, qu’il donnait à chaque fois l’illusion d’être giclé d’une gerbe de fraises. Pour d’autres, c’est comme l’éclat rouge vif framboise d’un coup de pinceau qui lui aurait été lancé en plein visage et sur tout le corps par un artiste peintre libertin. Perez aurait été sans doute le premier à être servi n’était-ce cette incapacité qui le rendait inapte à ce genre d’exercice. Charlot Meidier vendit à l’insu de sa femme sa maison peu avant de quitter Surcouf et de regagner le Maroc avec sa dulcinée. Sa veuve n’ayant rien appris de cette folle machination se retrouva seule dans la rue avec deux enfants dans les bras et sans aucune ressources. Marcel Cazeaux, en bon citoyen, se chargera de la recueillir et lui offrir gîte et couvert en attendant des jours meilleurs. Un bel élan de générosité qui nous renseigne sur l’esprit de solidarité qui régnait chez les gens là et en ce temps là.    

Porteilla : C’est dans ce merveilleux café-bar Le Richelieu que les chauffeurs de bus en partance vers Alger firent halte avant d’aborder le parcours en direction du centre ville de Aïn-Taya. Et c’est ici que les receveurs déposèrent en toute confiance leurs sacoches bourrées de frics au milieu de grands éclats de rires.
Chaloupes : De vieilles embarcations qui firent merveilles en leur temps. On parlera de barques de pêche, dites sardiniers et de chalutier……
PiÈces : Outre, la belle sardine, on y pêche dans les eaux poissonneuses de Surcouf, de la daurade, de l’espadon, de rouget, de langouste, de mérou, de rascasse, de raie, de cigale, de marbré, de brochet, de maquereau, de thon, de chien de mer, de lambriné, de loup de mer ou bar, de morue, de bonite, de saourelle et j’en passe …
Guet : N’oublions pas cette riche exploitation d’orangeraie dite chapeau du gendarme qui eut pour P.D.G Mr Munck et dont le siège se trouvait au … rue Arago à Alger.
Peretto : Mr Peretto quittera Surcouf et cédera sa boulangerie à la famille Llorett, au tout début de l’année 55.
DÉrobe : On y chipera juste une petite quantité de pains ou de brioches afin de ne pas laisser de trace et d’éviter que ne soit attirée l’attention de ces boulangers et pour y permettre de refaire le coup, une autre fois.
Surcouf : Un petit coin qui me rappelle énormément Honfleur, cette belle et charmante commune portuaire que j’ai connue en 1977.
Raoul Salan : C’était durant le tristement célèbre putsch des généraux et Robert Marqués et là, comme toujours, pour lui tenir la chandelle, comme on dit dans le jargon familier arabe.
Corsaire : On ne passe pas par Surcouf sans rendre visite à Mireille et André Orts et leur ex et merveilleux Hôtel-Bar-Restaurant.
Jules Roy : C’était en 1963, à l’intérieur de l’ex villa d’Armand Anglade.
Orts : On imagine la réaction cachée ou plutôt l’émotion dissimulée en sourire que ressentaient le couple Orts et les rares colons encore en place face à la présence des communistes. Nous y reviendrons dans un long article qui sera consacré à cette visite.
Berliet : il s’agit d’un membre influent de la saga des Berliet. Les ex automobiles Berliet dont le siège se trouvait Carrefour Maurétania à proximité de l’ex agence d’Air France, n’étant pas encore nationalisées.
Tarfaya : C’est le nom donné à une variété d’arbrisseau à très petites feuilles et à grappes de fleurs roses que l’on retrouve dans le Midi de la France et qui pousse également près du littoral. C’est aussi le synonyme en arabe de Tamaris donné à cet Hôtel-Bar-Restaurant de Aïn-Taya, édifié en 1927, œuvre de l’architecte Lozza, qui fut l’ex propriété des Carreras et qui doit son nom à ce petit arbre qui fut planté ici, bien avant la fondation de cet établissement.
Globe-Trotters : Beatniks, « hippies », contestataires de mai 68, marginaux … furent nombreux à se rendre au sahara algérien, en ces années fin 60. Un mouvement social et littéraire qui s’est démarqué de la ligne de conduite de l’Amérique, de l’Europe et de l’ensemble de la société industrielle moderne. Ses adeptes chercheront remède à leur désarroi, dans la méditation, l’amour, la solitude, la nature, l’inspiration … ils entreprendront une longue traversée du désert qui les mènera en Afrique et en Asie. Un nouveau modèle de la Génération perdue qui réapparaît, un demi-siècle après, sous une nouvelle forme et avec un nouveau souffle. De 68 à nos jours, soit 50 ans après, un mouvement féodal qui est loin de ressembler aux deux premiers, s’est développé dans certains pays arabes et même en Europe et aux Etats-Unis, sous un nouveau visage inhumain, c’est celui de Daech.
CO.GE.HO.RE : Ou la Coopérative de Gestion des tels et Restaurants. Elle y laissera place beaucoup plus tard à l’entreprise ALTOUR ou l’Algérienne du Tourisme ensuite à la SO.NA.TOUR ou la Société Nationale de Tourisme.

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